samedi 19 octobre 2013

Les cahiers de l'APA

dernière parution
paroles de cheminots  
 y compris  un extrait de mon autobiographie (L'aurore de ma vie)
 
Or,
 " Or, s'endormir pendant le service, "louper un train" était une faute grave. C'était la sécurité mise en défaut. Toute une cascade de trains s'arrêtaient tant qu'un agent ne venait pas rétablir l'ordonnancement correct de l'ensemble des signaux. Et la punition de l'agent responsable était à la mesure perturbations provoquées, - sans compter le déshonneur ! Cependant avec une ingénieuse débrouillardise et quelque complicité bienveillante on pouvait parfois rétablir la situation, en douce, à ses risques et périls. Il suffisait de quelques kilomètres en vélo pour aller dire au poste voisin : "tu peux rendre la voie libre. Pas de mouvement sur le parcours".
 
Mon père se prêta quelquefois à ces subtiles manigances. Il en avait d'autant plus de mérite qu'il ne lui arrivait jamais de se mettre en défaut. Il avait acquis dans l'exercice de sa fonction une perception très subtile des moindres indices utiles à son travail. Toujours passablement harassé par une journée de labeurs multiples, coupés seulement par une sieste que les bruits et mouvements diurnes rendaient problématique, il abordait la nuit "à faire" sans l'ombre d'une fumée d'alcool mais avec la rouerie inconsciente de l'esprit qui cherche à tirer le maximum de répit au sein même d'une tension permanente. Il avait aménagé dans la petite guérite où il devait se tenir, un très léger matelas qui atténuait la rudesse du banc où il s'allongeait et... dormait entre les passages de train. Il dormait l'esprit en éveil et au moindre avertissement il réagissait. Jamais sa vigilance inconsciente ne fut en défaut.
   Les seuls relâchements que sa fatigue ait pu lui arracher concernent  la manœuvre du damier. Lle damier, en langage sémaphorique, est une sorte d'avant garde dans le système de sécurité, un petit signal de rien du tout qui commande un simple ralentissement en prévision d'un arrêt ééventuel, en cas de section bloquée. Bref pas assez important pour que le subconscient y prenne garde, mais assez pervers pour empoisonner la vie des gens.
Ssi, poussé par un besoin incoercible de s'allonger, on s'assoupissait après le passage d'un train, la ggrande aile sémaphorique tombait discrètement quelques minutes plus tard et rien ne venait vous rappeler à l'ordre jusqu'au coup de sifflet du train suivant qui trouvait le damier fermé. Trop ttttard ! Ralentissement. Demande d'explication écrite probable. Un ou deux dixièmes de la prime de fin d'année supprimés. Alors commençaient quelques jours d'anxiété et d'acrimonie :
- Mais enfin, disait maman, il te suffit, tout au plus, d'attendre un quart d'heure !
- Tu crois que le mécanicien va signaler ?
On avait un petit espoir quand, au passage, celui-ci agitait un bras menaçant, mais il fallait se méfier de la traîtrise de ceux qui ne manifestaient rien : le règlement c'est le règlement, sans compter qu'il fallait ensuite rattraper le temps perdu sur un horaire qui ne badinait pas avec l'exactitude"

1 commentaire:

  1. C'est très intéressant à lire,ça me transporte dans une autre époque et un autre lieu. Merci.

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