Un texte de VOLTAIRE,
c'est tout . L'esprit des Lumières .
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On entend
aujourd’hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C’est une
maladie de l’esprit qui se gagne comme la petite vérole. Les livres la
communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours. On s’échauffe
rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassis. Mais quand un
homme ardent et d’une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses
yeux sont en feu, et ce feu se communique; ses tons, ses gestes, ébranlent tous
les nerfs des auditeurs. Il crie : « Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n’est
qu’humain ; combattez les combats du Seigneur ! » et on va combattre.>
Le
fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la
rage est à la colère.
Celui qui a
des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses
imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes
espérances ; il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu. [...]
Il n’est
d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui,
répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui
prévient les accès du mal; car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir et
attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent, pas
contre la peste des âmes ; la religion, loin d’être pour elles un aliment
salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. [...]
Les lois
sont encore très impuissantes contre ces accès de rage : c’est comme si vous
lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que
l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme
est la seule loi qu’ils doivent entendre.
Que
répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes,
et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?
Lorsqu’une
fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable.
[...]
Voltaire, Dictionnaire
philosophique portatif (1764),
article
"Fanatisme", section II.
C'est sans
doute Voltaire qu'on assassinerait aujourd'hui, pour nous faire trembler tous.
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